Comment Decathlon Canada est devenu un laboratoire numérique pour le groupe Comment Decathlon Canada est devenu un laboratoire numérique pour le groupe

Comment Decathlon Canada est devenu un laboratoire numérique pour le groupe Comment Decathlon Canada est devenu un laboratoire numérique pour le groupe © Kévin Deniau

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Des enfants à trottinette ou sur des trampolines dans les allées, des ballons de foot ou de basket qui roulent de-ci de-là… Le week-end, le premier magasin de Decathlon au Canada, ouvert printemps 2018 au sud de Montréal, prend des allures de cour de récréation géante ou de parc d’attractions pour les familles québécoises. Il faut dire que le point de vente consacre un quart de ses 6 000 m² à l’expérience client. On compte une quinzaine de zone de tests (golf, tir à l’arc, escalade etc.) ainsi… qu’un gymnase en accès libre avec des terrains de basket ou de badminton !

Dès l’entrée du magasin, se trouve aussi le foodtruck d’un torréfacteur local. Comble de l’adaptation : un accent a même été ajouté sur le « e » du logo Decathlon pour éviter l’anglicisme ! « On a pris un virage assez fort par rapport à ce que Decathlon fait aujourd’hui« , confirme Tristan Vendé, l’un des premiers salariés arrivés sur place, en juin 2016, afin de comprendre le marché. « Au sein de Decathlon, ce n’est pas la France qui décide pour le reste du monde, chaque pays est autonome. Et nous, on voulait construire un projet page blanche. On n’était pas les meilleurs pour faire une photocopie de ce qui existait déjà, donc on s’est un peu auto-proclamé laboratoire.« 

L’accent mis sur la R&D numérique
 

Au-delà du magasin en soi, cette spécificité canadienne se traduit par un management en pyramide inversée, sans hiérarchie ni titre (cf vidéo ci-dessus), et, surtout, une attention particulière portée aux nouveaux sujets numériques. « À l’ouverture du pays, on a demandé un budget exceptionnel de recherche et développement pour pouvoir accélérer sur la transformation numérique« , rapporte Alexandre Toulemonde, de l’équipe plateforme numérique.

L’un des premiers projets mis en place ? Un chatbot basé sur l’intelligence artificielle, directement visible sur la page d’accueil du site, via un widget et Facebook Messenger. Ironiquement appelé « D4 », il permet de trouver un produit, connaître sa disponibilité en temps réel ou d’être mis en relation avec le bon expert au service client ou… en magasin ! Les vendeurs, tous équipés de smartphone, reçoivent en effet directement les notifications et ont reçu une formation pour, notamment, adopter le bon ton de marque.

« On ne fera jamais une boîte contrôlée par la technologie. Ce qui nous différencie d’Amazon, c’est qu’on aura toujours des hommes et des femmes au coeur de notre activité« , précise Tristan Vendé. Ce chatbot permet néanmoins de supprimer certaines tâches humaines sans valeur ajoutée, tout en apportant une réponse immédiate aux clients. Utile quand on sait que 17 % des demandes, en France, concernent simplement l’heure d’ouverture des magasins.

Résultat : un client sur trois a obtenu une réponse souhaitée grâce au robot, autrement dit, sans intervention humaine. Un chiffre d’ailleurs en constante augmentation à mesure que l’intelligence artificielle progresse. La moitié des conversations tournent autour de la recherche de produits et un tiers d’entre elles ont commencé hors des heures d’ouverture du magasin. Pour un taux de conversion, au final, de 28 % et un taux de satisfaction déclaré de 92 %.

« Le futur de Decathlon, c’est le futur d’un écosystème »

Decathlon Canada travaille sur ce projet depuis plus d’un an avec la start-up montréalaise Heyday, qui vient d’ailleurs de lever 2 M$. « On essaie de créer des histoires à impact social positif avec des partenaires locaux, assure Alexandre Toulemonde. On a bouleversé notre organisation informatique pour que des partenaires externes puissent s’intégrer à nos composants technologiques« .

Heyday est d’ailleurs aujourd’hui en discussion avec Decathlon Indonésie et Singapour. « La propagation des bonnes pratiques est horizontale chez nous : l’adoption d’une technologie ne vient pas d’en haut mais d’un choix local« , atteste Alexandre Toulemonde.

Pour lui, le futur de Decathlon Canada tient en un mot : écosystème. L’équipe, installée dans un espace de coworking dans le centre de Montréal, organise par exemple des meetup sur la tech et le sport. Un portail d’API ouvert est également mis librement à la disposition des développeurs pour innover dans la pratique sportive. Un bâtiment va même être construit pour loger des start-up du sport.

Autre projet en développement dans cette même veine : une application appelée Decathlon Community qui recensera les différents lieux de pratique, crowdsourcés par la communauté. L’enseigne organise déjà, depuis le début de l’année, une quinzaine de cours mensuels (zumba, spinning, cours de boxe etc.) avec des professeurs internes ou externes. Aidée techniquement, une fois encore, par une plateforme montréalaise de réservation groupée, Booxi.

« On est sur une modalité de plateforme. Decathlon doit devenir un connecteur pour aider des passionnés de sport à se rencontrer et, plus globalement, rendre le sport plus accessible« , explique Alexandre Toulemonde.

7 personnes dédiées à l’IA

« Ce n’est pas de la diversification pour la diversification, enchaîne Tristan Vendé. Decathlon ne peut pas rester un épicier du sport et juste vendre des produits. On peut avoir un rôle dans la société en rendant l’activité physique nécessaire dans la vie des gens« . L’exemple cité : Michelin, qui a donné envie aux Français de prendre la route par ses cartes routières et son guide, alors qu’ils fabriquaient et vendaient des pneus. Les vrais concurrents selon Tristan Vendé ? La télévision, le sofa, l’obésité ou la dépression !

À noter que Decathlon Canada compte également dans ses rangs une équipe de sept personnes dédiées à l’intelligence artificielle (sur un pôle d’une cinquantaine au niveau mondial), une des grandes forces de Montréal. « On travaille, entre autres, sur la prédiction qu’une personne aime un nouveau sport en fonction de ses goûts mais aussi de la météo et de la géographie« , illustre Alexandre Toulemonde.

L’impact de ces technologies sur le chiffre d’affaires ? “En rendant le sport plus accessible, on se dit qu’il y aura forcément un impact sur le business de Décathlon, mais on ne cherche pas à le mesurer particulièrement”, poursuit ce dernier. « Le CA n’est pas un objectif mais une conséquence« , ajoute Tristan Vendé.

Decathlon Canada ne donne pas de chiffres sur son activité jusqu’à présent mais affirme que « les feux sont au vert ». Rappelons qu’à l’ouverture du magasin, le stock prévu pour trois mois est parti en seulement une dizaine de jours. Et que ce samedi 27 avril 2019, l’enseigne ouvre son deuxième magasin, au nord de Montréal, en attendant ceux du centre-ville, de Québec et d’Ottawa d’ici la fin de l’année. « On est passé de 80 à 350 salariés en un an et on vise 900 d’ici fin 2019« , prévoit Tristan Vendé.