Le gouvernement des Etats-Unis contre les Gafa : pourquoi on n’y croit pas trop
Entre le gouvernement des Etats-Unis et les Gafa, ce n’est toujours pas le grand amour. Les géants de la tech avaient fait savoir leur préférence pour Hillary Clinton… on sait ce qu’il advint. Donald Trump fut élu. La volonté de ce dernier de contrôler les flux de migrants a mécontenté les entreprises de la Silicon Valley qui ont besoin d’une main d’œuvre internationale pour se développer. C’était le premier acte.
Anti-trust contre X
Le second vient peut-être de commencer avec l’ouverture d’une enquête sur la position dominante des géants du numérique par le département de la Justice. Même si Makan Delrahim, le boss des procureurs fédéraux qui travaillent sur les questions de concurrence, n’a pas explicitement cité les Gafa, tout le monde a compris de qui il parlait lorsqu’il a expliqué qu’en l’absence de la discipline produite par une « bonne » concurrence, »les plateformes numériques peuvent agir [d’une] manière qui ne répond pas aux demandes des consommateurs« . Tout semble indiquer que le gouvernement s’est senti obligé d’intervenir alors que plusieurs candidats démocrates à l’investiture veulent démanteler les Gafa qui seraient devenus trop gros.
Aux Etats-Unis, tout le monde a en tête le démantèlement de la compagnie de télécoms AT&T au début des années 80. La philosophie politique et économique à l’œuvre derrière les décisions des autorités de la concurrence est qu’une entreprise en situation de monopole est en mesure de capter une rente. Ainsi, elle ne propose pas les prix les plus bas aux consommateurs qui sont lésés. Le président des Etats-Unis, Donald Trump, a ainsi reproché à plusieurs reprises à Amazon d’être dans une situation de force telle que l’entreprise impose une concurrence déloyale aux commerçants présents sur son site. Pour simplifier, on ne peut pas négocier les conditions générales de vente quand on est une PME de l’Oklahoma.
Si c’est gratuit, où est la rente ?
5 milliards de dollars, tel est le montant de l’amende que Facebook devra verser. C’est la conclusion de la négociation entre la firme de Mark Zuckerberg et la Federal Trade Commission (FTC), l’agence fédérale chargée de la défense des consommateurs. En cause, un défaut de protection des données personnelles qui aurait nui aux consommateurs. Outre le paiement de cette amende, Facebook devra revoir certains de ces process. Avec cet accord, Facebook n’aura pas à reconnaître sa culpabilité.
Reste que pour réussir à condamner ces entreprises, il va falloir prouver qu’elles ont sciemment décidé de réduire la concurrence. Une chose est d’ores et déjà certaines : entre eux, les Gafa ne se font pas de cadeaux pour collecter et exploiter des données, acquérir des start-up prometteuses… En outre, une bonne partie de la théorie de la concurrence repose sur l’idée qu’un monopole ou une position dominante a pour effet d’augmenter le prix payé par le consommateur. Le travail des magistrats ne va pas être aisé quand de nombreux services rendus par les Gafa sont gratuits pour le consommateur final. A moins de prouver que Facebook, par exemple, est dans une telle position sur le web qu’il peut imposer les prix pratiqués aux entreprises de publicité. Ou qu’Alphabet privilégie les produits maison dans le résultat des recherches gratuites sur son moteur de recherche Google…
Les enquêtes et les instructions de l’anti-trust sont souvent très longues. C’est dire que l’annonce de l’ouverture d’une enquête ne risque pas de déboucher sur une condamnation de Google d’ici à la ré-élection. Il faudra donc être patient pour savoir ce qu’il en est vraiment.
Preuve de l’ambigüité de la position de l’administration Trump, on rappellera que cette dernière a menacé de représailles le gouvernement français qui veut mettre en place un impôt sur le chiffre d’affaires des entreprises du numérique. Le chantre du « America First » acceptera-t-il de se tirer une balle dans le pied en pénalisant des champions maison, quand les concurrents chinois ne risquent guère d’être inquiétés par les questions de concurrence ? Entre Trump et les Gafa, le torchon ne brûle pas, on serait plutôt tenté de dire : « en couple, mais c’est compliqué ».