Mobile et commerce sont mêlés intimement en Chine, en ligne ou sur le web © Joachim Martin – FaberNovel
Aider les entreprises étrangères qui voudraient vendre sur le marché chinois, tel est le pari de WalktheChat, la société pékinoise créée par Thomas Graziani, un ancien du BCG et de Schneider Electric. Pour cela, il mise sur les réseaux sociaux made in China, à commencer par la filiale de Tencent : l’omniprésent WeChat. Mais pas question ici d’acheter des pubs contextuelles ou des mots clés sur l’équivalent local de Facebook et de Google. Les professionnels sont unanimes : en Chine, « le taux de conversion de la publicité est faible » comme l’indique Olivier Marsecq, le responsable innovation pour la Chine de Pernod Ricard.
100 Mini vendues en cinq minutes
Si « Quand on ne peut pas rentrer par la porte, on tente la fenêtre » n’est pas un proverbe chinois, cela reste opérant sur les bords du fleuve jaune. Traduction : si la publicité ne marche pas, tente le KOL. Cet acronyme désigne les « key opinion leaders » – on parle même de « KOL economy » – à même d’inciter à vendre les produits les plus incroyables. Becky Li, la blogueuse aux 3 millions d’abonnés sur Wechat, a réussi en juillet 2018 à écouler 100 mini Coopers en moins de cinq minutes !
Pourtant, les professionnels l’assurent, ce n’est pas la taille qui compte pour réussir à vendre en Chine, au contraire. Il faut se méfier des KOL aux millions d’abonnés, qui ne convertissent pas eux non plus. Trouver le bon influenceur n’est pas si simple. « Nous avons rencontré un échec parce que nous nous étions fiés au nombre de followers pour mener une opération. Or, il est apparu que les gens qui le suivaient ne le faisaient pas pour acheter des produits mais pour s’inspirer de lui », précise Thomas Graziani.
Trouver le bon influenceur
« Il faut créer de la confiance. C’est un préalable, mais une fois que c’est fait, les gens suivent rapidement « , assure Olivier Marsecq. Les utilisateurs confirment. Jiaowei, une jeune Chinoise de 25 ans hyper connectée, décrypte le phénomène. Pour choisir un restaurant sur l’appli qui recense tous les restaurants de Shanghaï, elle ne consulte pas « les publicités sauf si il y a une promotion ». Pour le reste, elle fait confiance à ses amis et aux fameux leaders d’opinion. Elle adore Misterbag, l’homme qui recommande à ses 5,6 millions d’abonnés quel sac acheter. Elle confirme ce qu’explique par ailleurs Thomas Graziani : personne n’est gêné de savoir qu’un influenceur est payé par les marques. « De toute façon, un bon influenceur ne promeut que les produits qu’il aime bien« , assure l’homme de l’art.
Aux antipodes de l’exemple exceptionnel des mIni, Thomas Graziani estime que « pour que ça marche, il faut avoir un produit spécial qui ne soit pas trop cher ». Ainsi, sa société WalktheChat a travaillé pour une marque de chaussures en laine de mérinos, le soulier que s’arrachent les hipsters de Shanghaï à New York, où la boutique Allbirds ne désemplit jamais, en passant par San Francisco. En investissant 6000 dollars en marketing, il assure avoir obtenu un surplus de vente évaluée 300 000 dollars, soit un coefficient multiplicateur de 5. Pour mener une telle campagne, deux à trois mois sont nécessaires. La difficulté pour une marque alors est de répliquer une première réussite. A moins d’avoir un logo mondial et puissant comme les entreprises de luxe ou les marques mondiales de grande consommation, les Chinois sont peu fidèles à leurs fournisseurs. Le consommateur de la classe moyenne chinoise est aussi avide de biens qu’il est volage. Ce n’est pas parce qu’il a acheté la basket aujourd’hui qu’il voudra demain la sandalette.
Choisir son camp
Réussir un succès durable demande donc un engagement dans la durée afin d’éviter certains écueils. L’un des principaux résulte de la guerre sans merci que se livrent Tencent et Alibaba. Entre le propriétaire de WeChat et le géant du commerce, il faut choisir, car les deux écosystèmes sont peu compatibles. Il n’est par exemple pas possible sur Alibaba de renvoyer vers un mini programme disponible sur Wechat. Et inversement.
Le jeu en vaut la chandelle, car comme le rappelle Patrice Nordey, CEO de FaberNovel Asie : « En 2007 le marché français et le marché chinois du e-commerce étaient proches autour de 37 milliards de dollars. Fin 2018, il atteignait 1341 milliards avec un taux de croissance de 24 %. Ces derniers mois on observe un ralentissement, mais la croissance reste plus forte qu’ailleurs ». De quoi sortir quelques milliers de dollars pour rémunérer les bons KOLs.